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Rencontre avec Vincent Dutrait
Publié le : 03/07/2020 - Catégories : Actualité jeux de société , Le monde du jeu
Continuons notre voyage entamé les trimestres derniers à travers l’univers ludique en partant aujourd’hui à la découverte d’un nouveau métier, celui d’illustrateur. Nombreux d’entre nous ont déjà acheté un jeu en étant simplement séduit par le visuel de sa boîte, une forme de roulette russe ludique en somme, cela pouvant nous offrir le meilleur comme le pire. Quel que soit la conclusion, cela prouve à quel point le travail d’illustration est indispensable au succès d’un jeu. Tout joueur que nous sommes, il est toujours agréable d’être transporté et immergé dans un thème lors d’une partie au lieu d’être simplement le maillon d’une mécanique à la rigueur germanique. Aujourd’hui, nous vous proposons le compte rendu de nos échanges avec Vincent Dutrait, illustrateur aux plus de 90 jeux au style reconnaissable entre mille.
VD : Merci, c’est donc gagné ! Je m’adresse principalement aux joueurs, aux lecteurs, aux spectateurs. Mon but c’est de transmettre et partager. Que ce soit un thème, une histoire, des atmosphères, des couleurs, des sentiments, des émotions. Mettre en images le monde contemporain, notre quotidien, ne m’intéresse pas. Je m’inscris plutôt dans une veine et une tradition de l’illustration disons de « dépaysement », offrir quelque chose de crédible et pas forcément réaliste – j’insiste sur la nuance – pour faire rêver, découvrir un ailleurs, s’échapper pour quelques instants.
Bien entendu, j’en profite pleinement au passage et je sélectionne d’ailleurs scrupuleusement les projets sur lesquels je vais travailler, pas question que je m’y ennuie ou que je n’arrive pas à m’évader avec.
Mais au final, même si je peux être suggéré par un auteur à un éditeur, on reste dans le cadre de commandes directes.
Il y a une exception à la règle, « Loser », que je n’ai pas illustré mais où je suis crédité comme co-auteur avec Bruno Cathala. Je m’intéresse de près à toutes les étapes de la fabrication des jeux et Bruno m’avait proposé de faire un bout de chemin avec lui sur ce jeu et nous en avons travaillé les mécanismes ensemble.
VD : C’est délicat et changeant... Disons qu’actuellement je suis très fier de Detective : City of Angels car j’ai pu y mener de front plusieurs chantiers, sur le fond et la forme. Travailler en toute liberté un univers, le Los Angeles des années 40’, que je n’avais encore jamais abordé, techniquement ce fut un vaste bac à sable pour expérimenter graphiquement et pour couronner le tout les relations et l’ambiance de travail étaient on ne peut plus constructives et enrichissantes avec l’auteur et l’éditeur.
Le plus personnel, je pense au duo Lewis & Clark et Discoveries (et d’ailleurs aussi la réédition de Lewis & Clark pour laquelle j’ai réalisé une nouvelle illustration de couverture). C’est un thème et une histoire qui me tiennent à cœur – que j’avais d’ailleurs déjà illustrés en édition jeunesse par deux fois, et là j’avais aussi pu travailler très librement et avais pu m’exprimer pleinement, atmosphères, couleurs, ambiances…
Là il choisit alors un illustrateur qui correspond aux critères définis. À partir de là, plusieurs cas de figures. L’illustrateur peut travailler uniquement sur une liste d’illustrations à réaliser qu’il va livrer à l’éditeur, qui lui va les mettre en pages et s’occuper pleinement du travail d’édition. Ou l’illustrateur peut aussi s’impliquer plus fortement en jouant au jeu sur prototype, s’occuper aussi de la mise en pages des images, voire assurer la conception du livret de règles, des fichiers de production, etc. Il peut aussi y avoir un mix de tout ceci.
Mais dans la plupart des cas, l’illustrateur intervient « à la fin » du processus, presque en bout de chaîne, une fois les mécaniques et le matériel de jeu validés par l’éditeur. Pour un jeu familial standard, je dirais que la réalisation peut prendre 3, 4 mois, voire plus en fonction du volume du matériel et/ou de la charge de travail, de la complexité des illustrations à réaliser.
L’illustration d’un jeu doit « décorer » un jeu mais doit surtout être fonctionnelle. C’est un challenge car l’illustration ne doit pas seulement raconter une histoire et dépeindre un thème, elle va surtout devoir soutenir une mécanique de jeu, ne pas parasiter la bonne lisibilité d’actions de jeux ou choix à faire, transmettre plusieurs informations dans une seule image…
Cela reste encore assez collégial, familial et ouvert, et je pense que ça tient beaucoup au dynamisme des salons, des boutiques, des sites spécialisés qui offrent un vaste bac à sable et terrain de jeu à tous ces auteurs et illustrateurs, favorisant et décuplant ainsi les rencontres, les liens, l’effervescence de concepts et d’idées.
Historiquement, à mon avis, pour l’illustration en tout cas, nous avons eu la chance d’avoir des enfances chargées et denses en images, multiples et diverses comme la BD franco-belge, les comics américains, les dessins animés japonais avant la vague des BD mangas, les univers graphiques d’Europe de l’Est et du bassin méditerranéen… Des bases solides riches et enrichissantes qui nous permettent aujourd’hui de nous exprimer pleinement sous toutes les formes et avec des styles et écritures uniques et diversifiés.
VD : « Robinson Crusoe ». J’en ai déjà fait l’illustration de couverture pour sa nouvelle édition en format standard carré. Et j’aurais bien aimé m’occuper aussi des illustrations intérieures. Non pas qu’elles ne fonctionnent pas ni ne soient pas belles, mais plutôt car c’est un thème qui m’est cher, que j’aimerais mettre en images sous cette forme et je pense qu’il y a matière et des supports très intéressants pour un magnifique terrain de jeu graphique.

Profession : Illustrateur de jeux de société

Ludum.fr : Bonjour Vincent, vous êtes illustrateur protéiforme : Jeux de société, Jeux de rôle, ouvrage jeunesse, enseignement. J'oublie quelque chose ?
Vincent Dutrait : Je crois que le compte y est. Il y a eu une époque où c’était un peu tout en même temps mais aujourd’hui je me consacre exclusivement aux jeux de société. Travailler dans le monde de l’illustration et de l’image, c’était le but recherché. Ensuite, en fonction des envies, des aléas des marchés et de la vie, j’ai toujours gardé à l’esprit d’avoir plusieurs cordes à mon arc pour pouvoir basculer et retomber sur mes pieds si quelque chose ne tournait pas rond.L : Vous êtes joueur ? Quel type de joueur ? Vos jeux phares ?
VD : Je suis joueur, plutôt passionné et je jouais déjà beaucoup enfant, ado. Je joue à un peu tout, pas fan des jeux d’ambiance et plus sensible aux jeux au bel équilibre entre matériel/thème/narration/illustration. Je joue avant tout pour « jouer » et passer de bons moments entre amis, que je gagne ou que je perde n’a pas grande importance, je ferai toujours au mieux et j’aime bien avoir en fin de partie un joli sentiment d’accomplissement. Dans cette optique, je ne m’ennuie jamais aux Aventuriers du Rail et dernièrement j’ai beaucoup apprécié Everdell et Les Charlatans de Belcastel.L : Comment devient-on illustrateur spécialisé en jeux de société ?
VD : J’ai commencé à travailler pour des jeux de rôle au début des années 2000. Il se trouve qu'à cette époque, certains éditeurs comme Asmodée, publiaient Jeux de rôle et Jeux de société. De fil en aiguille je me suis donc retrouvé sur quelques commandes de jeu de société. Puis plus rien pendant quelques années, car j’ai déménagé en Corée du Sud, changé d’optique, plus travaillé avec les éditeurs de Jeux de rôle américains comme Wizards of the Coast ou Paizo… C'est en 2009 que l'éditeur Gameworks m'a contacté pour me proposer Water Lily et Tikal 2, coup sur coup. Je suis donc « revenu » dans le monde du jeu à ce moment-là et depuis j’ai enchaîné les projets et réalisations..L : Vos récentes sorties comme NagaRaja, Solenia ou l'île au trésor sont de véritables invitations à l'aventure et au voyage. C'est cela pour vous l'illustration ? Nous faire voyager ?

Bien entendu, j’en profite pleinement au passage et je sélectionne d’ailleurs scrupuleusement les projets sur lesquels je vais travailler, pas question que je m’y ennuie ou que je n’arrive pas à m’évader avec.
L : Comment se passe le choix d'une direction artistique pour un jeu ? S'agit-il de commandes de la part des éditeurs ou de projets plus personnels menés avec les auteurs ?
VD : Pour ma part, il s’agit très majoritairement de commandes de la part des éditeurs. Ce fut le cas longtemps et ça a un peu évolué au fil du temps. Tout simplement car j’ai de plus en plus de contacts avec les éditeurs et les auteurs, les agents, on se fréquente, on est amis, etc. Et certains projets se développent voire naissent ainsi. Au détour d’une conversation, d’une soirée.Mais au final, même si je peux être suggéré par un auteur à un éditeur, on reste dans le cadre de commandes directes.
Il y a une exception à la règle, « Loser », que je n’ai pas illustré mais où je suis crédité comme co-auteur avec Bruno Cathala. Je m’intéresse de près à toutes les étapes de la fabrication des jeux et Bruno m’avait proposé de faire un bout de chemin avec lui sur ce jeu et nous en avons travaillé les mécanismes ensemble.
L : Du coup on doit s’attendre un jour à un jeu 100% Vincent Dutrait ?
VD : Non je ne pense pas et j’en serais le premier surpris ! J’ai bien des idées en tête, des bouts de concepts, à force de mettre les mains dans le plat et d’échanger avec des auteurs. Mais je n’ai pas du tout l’esprit tourné pour créer des mécaniques ou une structure de jeu… En invité comme sur « Loser » ou impliqué très en amont (comme c’est déjà arrivé), pourquoi pas, mais sinon j’aime bien rester à ma place et faire ce que je sais faire le mieux possible.L : C’est quoi le projet ludique dont vous êtes le plus fier ? Le plus personnel ?

Le plus personnel, je pense au duo Lewis & Clark et Discoveries (et d’ailleurs aussi la réédition de Lewis & Clark pour laquelle j’ai réalisé une nouvelle illustration de couverture). C’est un thème et une histoire qui me tiennent à cœur – que j’avais d’ailleurs déjà illustrés en édition jeunesse par deux fois, et là j’avais aussi pu travailler très librement et avais pu m’exprimer pleinement, atmosphères, couleurs, ambiances…
L : Si il existe une généralité, pouvez-vous nous détailler la genèse et le déroulement d'un projet d’illustration pour un jeu ?
VD : Généralement, un auteur crée un jeu (ce qui peut prendre plusieurs années), le présente aux éditeurs et finit par le signer avec l’un deux (ce qui peut aussi prendre un sacré bout de temps !). L’éditeur le développe avec l’auteur et va apporter une direction artistique, une approche pour ensuite le positionner sur le marché et le vendre.Là il choisit alors un illustrateur qui correspond aux critères définis. À partir de là, plusieurs cas de figures. L’illustrateur peut travailler uniquement sur une liste d’illustrations à réaliser qu’il va livrer à l’éditeur, qui lui va les mettre en pages et s’occuper pleinement du travail d’édition. Ou l’illustrateur peut aussi s’impliquer plus fortement en jouant au jeu sur prototype, s’occuper aussi de la mise en pages des images, voire assurer la conception du livret de règles, des fichiers de production, etc. Il peut aussi y avoir un mix de tout ceci.
Mais dans la plupart des cas, l’illustrateur intervient « à la fin » du processus, presque en bout de chaîne, une fois les mécaniques et le matériel de jeu validés par l’éditeur. Pour un jeu familial standard, je dirais que la réalisation peut prendre 3, 4 mois, voire plus en fonction du volume du matériel et/ou de la charge de travail, de la complexité des illustrations à réaliser.
L : Quels sont les enjeux de l'illustration pour un jeu ? En quoi cela diffère t-il d'un ouvrage jeunesse ou d'une bande dessinée ?
VD : Le livre et le jeu sont très très différents. La réalisation d'un jeu est très technique. J'entends par là qu'il faut souvent respecter des contraintes de fabrication parfois complexes. Car on utilise dans le jeu quantité de cartes, pions, figurines, plateaux... Tous aux formats et aux aspects divers et variés. On est loin du confort cadré d'une BD de 46 pages ou d'un album jeunesse classique comportant 20 illustrations de même format.L’illustration d’un jeu doit « décorer » un jeu mais doit surtout être fonctionnelle. C’est un challenge car l’illustration ne doit pas seulement raconter une histoire et dépeindre un thème, elle va surtout devoir soutenir une mécanique de jeu, ne pas parasiter la bonne lisibilité d’actions de jeux ou choix à faire, transmettre plusieurs informations dans une seule image…
L : On commence à parler de plus en plus fréquemment d'une école française du jeu, portée par des auteurs comme Bruno Cathala, Sébastien Dujardin, Antoine Bauza et des illustrateurs comme vous, Pierô, Christine Alcouffe. C'est quoi selon vous les caractéristiques de cette école ?
VD : Il y a quelques années on a beaucoup entendu parler de « French Touch » au cinéma par exemple. Je pense qu’il y a en France un chouette bouillon de cultures, influences, inspirations et une sacrée émulation entre tous les acteurs du monde du jeu, des échanges, de la coopération.Cela reste encore assez collégial, familial et ouvert, et je pense que ça tient beaucoup au dynamisme des salons, des boutiques, des sites spécialisés qui offrent un vaste bac à sable et terrain de jeu à tous ces auteurs et illustrateurs, favorisant et décuplant ainsi les rencontres, les liens, l’effervescence de concepts et d’idées.
Historiquement, à mon avis, pour l’illustration en tout cas, nous avons eu la chance d’avoir des enfances chargées et denses en images, multiples et diverses comme la BD franco-belge, les comics américains, les dessins animés japonais avant la vague des BD mangas, les univers graphiques d’Europe de l’Est et du bassin méditerranéen… Des bases solides riches et enrichissantes qui nous permettent aujourd’hui de nous exprimer pleinement sous toutes les formes et avec des styles et écritures uniques et diversifiés.
L : Si on vous donnait carte blanche pour re-illustrer un jeu, vous choisissez lequel ? et pourquoi ?

L : Pour finir, vous pouvez nous parler de votre actualité ludique ?
VD : Je travaille actuellement sur « Oltréé » d’Antoine Bauza, une réalisation au long cours, dense et complexe, contexte médiéval, aventures et fort contenu narratif. Aussi sur « Theme Parks » avec l’équipe de Thunderworks Games, on y parle de construction d’attractions pour un parc à thèmes dans une ambiance décalée et quelque peu anachronique début 1900 mais avec des extra-terrestres, des atlantes et des cow-boys. J’ai aussi d’autres projets en parallèle qui sont soit « secrets » soit en cours de présentation… A suivre !Articles en relation
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